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L’imaginaire érotique de l’animal au siècle des Lumières

La place majeure occupée par l’animal dans le champ philosophique au siècle des Lumières ne se borne pas à des problématiques métaphysiques (la question de la distinction homme/bête) ou épistémologiques (celle de l’origine des connaissances), mais se retrouve aussi dans la réflexion menée par nombre d’esprits de l’époque sur la question amoureuse, et plus précisément sur l’articulation de celle-ci à celle de la sexualité. Si l’animal n’avait jamais été véritablement absent d’un débat, qui peut sembler vieux comme le monde et remonte au moins à l’Antiquité, il semble bien pourtant que le XVIIIe siècle soit le cadre d’un véritable tournant dans ce long cheminement philosophique, aboutissant aussi bien à une mise au premier plan sans précédent de l’animal qu’à la revalorisation philosophique de celui-ci. L’essor d’une pensée matérialiste et la promotion d’une nature qui fait figure de nouvelle transcendance suscitent en effet un important changement dans l’horizon intellectuel du temps, pour lequel l’animal cesse peu à peu d’être une figure repoussoir pour devenir à la fois un révélateur des conduites humaines et un modèle à suivre. C’est donc désormais moins contre la part animale de l’homme qu’en intégrant celle-ci que la sexualité doit se penser, évolution qui n’est cependant pas sans ambiguïtés : car à bien y regarder, il se pourrait qu’il n’y ait pas un, mais des modèles animaux, tant il semble que chaque auteur ait sa propre vision de l’animal, y projetant ses fantasmes comme ses rêves, et pour finir le remodelant au gré de ses besoins. Se posent alors toutes sortes de questions contradictoires sur la nature de celui-ci : l’animal est-il chaste ou bien dévoré de luxure, brutal ou raffiné dans ses amours ? Et s’il est entendu qu’il nous donne une leçon, quel est le véritable sens de celle-ci ? Tels sont les enjeux d’un débat dont nous voudrions rappeler ici les tenants et les aboutissants, tels sont les questionnements induits par cette figure philosophique mouvante qu’est l’animal, qui sans cesse se dérobe lorsqu’on croit le cerner, et n’est peut-être en cela que le miroir de nos illusions, ou de nos nostalgies.